Risques d’un métier passion

Je reprends ici quelques éléments de deux ateliers que j’ai animé lors du festival Gônes&Cies pour des compagnies artistiques (jeunes publics) en 2023 et 2024. J’élargis dans cet article à l’ensemble des métiers passion.

Tout métier peut être un métier passion.

Idéalement, ne devrions-nous pas toutes et tous vivre notre métier comme une passion? Nous avons envie de répondre oui. Cependant, vivre son métier comme un métier passion entraîne des risques qui sont à mesurer et prendre en compte.

Adosser ensemble les termes « passion » et « métier » peut interroger

La passion signifie :

  • Engagement personnel fort,
  • Implication de ce qui fait sens pour soi,
  • Le temps n’est pas compté,
  • On y trouve plaisir et épanouissement, …

Le métier signifie :

  • Cadre,
  • Salaire,
  • Temps défini,
  • Fiche de poste,
  • Compétences,
  • Vacances, …

En effet, si la passion prend le dessus sur le cadre que pose en théorie tout métier des risques vont apparaître :

  • une absence de limites en TEMPS : quand nous sommes passionnés, le temps n’est pas compté. Ainsi le métier passion peut prendre TROP de place dans sa vie, voire prendre toute la place entraînant un déséquilibre. Tout miser sur le métier passion est révélateur d’un surinvestissement qui, par le trop, cache en réalité un manque abyssal qu’on cherche à combler.
  • une absence de limites en SOI : le trop risque d’occuper tout l’espace concret mais aussi psychique, empêchant tout imprévu, tout élément perturbateur qui est aussi signe de vie de venir interroger, bousculer un édifice monobloc !

Dans les métiers les plus associés à la passion, métiers associés à des valeurs, à du sens, nous pouvons en explorer quelques-uns avec leur TROP :

  • Métiers du soin : investissement dans l’humain, dans le prendre soin qui implique des valeurs, de l’affectif, … Le trop va souvent être lié à des injonctions comme « fais plaisir », « les autres avant moi », « sois fort(e) », …
  • Métiers de l’enseignement : également investissement dans l’humain, dans l’accompagnement et le partage, où l’affectif est aussi très présent,… Le trop va par exemple se retrouver dans la recherche perpétuelle d’informations, de données utiles pour améliorer son enseignement, …
  • Métiers artistiques : partager ses tripes, ce qui nous traverse aux autres par un média particulier (écriture, corps, voix, créations, …). L’une des particularités du trop est pour beaucoup la précarité du statut d’intermittent avec la nécessité de gérer au delà de l’artistique tout le côté administratif (appel à projets, gestion d’une compagnie, chargé de diffusion, communication, …)

Comment poser ses limites dans un métier passion ?

1.   Poser concrètement un cadre « travail »

  • En s’imposant un cadre horaire : des horaires de travail le plus fixe possible : par exemple 3h le matin, une pause d’une heure pour manger et décompresser et 6h de travail : cela fait déjà sur une semaine de 5 jours 45h de travail par semaine. Suivant vos contraintes professionnelles, aller au-delà de 10h de travail par jour doit vous interroger !! Être disponible tout le temps n’est pas humain.
  • Quand on est dans un métier passion où on travaille seul un cadre géographique est essentiel : dédier un espace de travail clair (même s’il s’agit juste d’un espace bureau); savoir utiliser des espaces partagées avec d’autres (permet aussi de partager les soucis du quotidien, de ne pas se sentir seul(e), d’échanger des idées et des solutions). Sortir pour travailler dans un espace public (médiathèque, cafés, espace de coworking, peut faciliter la séparation entre les espaces de vie privée et de travail)
  • Des temps de déconnection du téléphone, des courriels et visios : Le droit à la déconnection est dans le droit du travail !! C’est même un devoir vis-à-vis de soi. = je coupe mon téléphone quand je fais mes pauses repas et quand je ne travaille pas ; je ne rouvre pas mon ordinateur hors temps de travail pour faire du travail.
  • Conservez un temps de repos hebdomadaire (=Week-end) même si c’est en pleine semaine car vous êtes occupé par votre travail les fins de semaine !!
  • Conservez des vacances régulières. Faire certains métiers passions peut être perçu par les personnes extérieures comme du non travail (par exemple un comédien dira « d’ailleurs on joue !! »), pourtant c’est bien un travail et avec des horaires extensibles !!! 

2.   Se ressourcer

Être passionné(e), c’est avoir besoin d’explorer sa passion, de mener des projets en lien avec sa passion. Or, souvent, le travail laisse peu de place en temps pour continuer à enrichir et explorer votre passion. Il est donc vital pour vous de poser dans votre agenda au minimum deux plages horaires de 3 heures chacune par exemple par semaine pour travailler sur vos projets, vous ressourcer « dans » votre passion. C’est ce qu’à la suite de Stephen Covey, j’appelle le cadre 2, celui de ce qui est important mais non urgent. Il passe souvent aux oubliettes car il faut gérer le cadre 1 ce qui est important et urgent comme les factures, le cadre 3 ce qui est non important mais urgent comme les courriels dont nous sommes de plus en plus envahi(e)s et le cadre 4 qui est ce qui ni important ni urgent la futilité, la procrastination pure qui a néanmoins son utilité et a sa petite et juste place à trouver.

3.   Accéder à ses besoins et les respecter

Les personnes passionnées ont souvent du mal à poser des limites. Voici quelques astuces pour vous aider.

Arriver à poser ses limites demande un travail sur soi et une conscience de son mode de fonctionnement.

Poser ses limites, c’est se respecter soi-même, respecter ses besoins. Encore faut-il avoir conscience de ses besoins.

Quand nous parlons des besoins, nous évoquons des dimensions non négociables, indispensables pour vivre. Les besoins sont différents des désirs et des envies.

Nous pouvons avoir envie de boire du champagne et accepter de nous rabattre sur une autre boisson. Mais nous ne pouvons pas ne pas répondre à notre besoin de boire, sinon nous mourrons. Si, parmi tous les besoins ci-dessous, certains sont trop carencés, nous pouvons mourir.

Cela est évident pour les besoins physiologiques. Mais c’est aussi le cas pour les besoins psychologiques. Je vous renvoie à ses enfants orphelins après la seconde guerre mondiale dans un pays de l’Est d’Europe qui étaient juste nourris, changés qui se sont tous laissés mourir car ils ne recevaient aucune affection.    

Le schéma indique aussi comment le manque des besoins se manifestent dans le corps. Il est donc nécessaire d’écouter les messages de son corps pour repérer ses besoins en carence.

Notons également que suivant notre histoire de vie, certains besoins seront plus en demande que d’autres. Nous pouvons avoir besoin plus de sécurité que de besoin de reconnaissance par exemple, …

Le point 4 suivant vous donne des outils pour faciliter l’écoute des messages de votre corps : douleurs, émotions et donc besoins.

4.   Ecouter son corps = écouter ses ressentis, ses besoins, ses émotions pour être au diapason de ses besoins réels et donc pouvoir prendre soin de soi et poser des limites justes.

La météo intérieure : (prendre conscience que notre état intérieur change constamment et que c’est normal)

                Choisissez le nombre qui vous vient sur une échelle de 1 à 10.

1 étant le niveau le plus bas et 10 le niveau le plus haut.

Puis associer ce nombre à un mot qui colore l’état intérieur du moment. Cela peut être une sensation, un ressenti, une émotion, un symbole, une couleur.

L’observation de soi : (prendre conscience et écouter les messages de son corps)

S’installer assis sur une chaise (pieds au sol, angle droit entre jambes et cuisses, dos droit, pas appuyé sur le dossier de la chaise, épaules détendues, tête droite)

Fermez les yeux et observez ce qui est présent en vous comme si vous vous observiez avec une caméra : la caméra capte ce qui est dans son champ de façon neutre, sans porter de jugement et en même temps, elle est complètement câblée avec l’ensemble de vos ressentis. Observez sans jugement ce qui est là en étant complètement connecté à ce que vous ressentez en vous.

Vous pouvez observer votre respiration (cf ci-dessous), vos sensations (tensions musculaires, picotements, zone de chaleur ou de froid, …), vos émotions, les pensées, les sons (extérieurs et intérieurs), …

La respiration :

Observez sans la transformer votre respiration : comment votre respiration agit sur votre corps à l’inspiration, à l’expiration. Observez sans juger, que votre respiration soit lente, rapide, saccadée, …

Puis agissez sur votre respiration en inspirant par le nez (le ventre se gonfle/ je viens nourrir toutes les cellules de mon corps) et en expirant en soufflant par la bouche comme si je soufflais dans une paille (le ventre se vide/ j’expulse toutes les toxines du corps mais aussi le stress, les soucis, …)

Puis, je rallonge petit à petit l’inspiration… et l’expiration…

Enfin, je laisse ma respiration reprendre son rythme

Voilà quelques pistes à explorer !

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