Un monde en pleine mutation
Nous sommes dans un monde qui s’accélère à tous les niveaux. De nouveaux paradigmes se font jour et viennent percuter les anciens paradigmes. Ces derniers cherchent à rester en place et ne peuvent muter dans le nouveau sans peine et difficultés. Le changement et les transitions sont des périodes certes stimulantes mais aussi difficiles ; car il ne s’agit pas simplement de s’adapter mais de changer complètement la manière de faire, de penser, d’agir. C’est le propre des révolutions qui sont associés aux changements de paradigme. Les bases sont à changer et nous résistons pour rester dans l’espace et les conditions connues. C’est une attitude logique. L’inconnu fait peur même s’il stimule.
Nous le voyons dans tous les domaines, notre monde va vers une mutation profonde. Quand nous regardons en arrière, ne serait-ce que quelques décennies, nous mesurons la mutation déjà opérée : Internet, le téléphone portable, l’information de ce qui se passe dans le monde entier, l’accès aux connaissances qu’il fallait aller chercher avant dans les bibliothèques et centres de recherche. L’accélération des moyens de communication à tous les niveaux révolutionnent notre monde.
Si nous y réfléchissons, nous ne travaillons déjà plus comme dans les années 1980 ou même 90. Et cela ne fait que s’accélérer si nous jetons un œil du côté des technologies de pointe qui étudient les voitures électriques et/ou autonomes, l’intelligence artificielle associée à celle de l’humain…
Les attentes et les besoins des êtres humains sont considérablement modifiés et influencés par cet environnement.
Néanmoins, dans la plupart des entreprises, même si elles suivent les évolutions technologiques, elles restent pour la plupart sur le seuil en ce qui concerne les nouvelles façons de travailler au niveau humain.
La formation de l’humain, parent pauvre de l’entreprise
La plupart des entreprises forment les cerveaux de leurs employés aux nouvelles technologies mais demeurent à la préhistoire en ce qui concerne le management, l’organisation du travail, la façon de créer et innover. Soyons honnêtes, quelles sont les entreprises qui investissent réellement dans le potentiel humain de leurs salariés ? Quelles sont les entreprises qui forment leurs salariés à savoir gérer leurs relations à autrui, à gérer leurs émotions, leurs besoins ? Il y en a bien peu. Car c’est une question complexe. Ce n’est pas en saupoudrant par une petite formation de développement personnel qu’on va modifier et supprimer les conflits au sein de l’entreprise.
Et le management demeure ancré dans un système industriel du 19ème siècle, système patriarcal avec le grand patron, figure paternelle protectrice, avec toute son armada hiérarchique et pyramidale qui fait circuler l’essentiel de haut en bas.
Nous avons beau savoir qu’il faut rendre responsable chacun à son poste de travail, que l’on parle de plus en plus de co-responsabilité, de collaboration, de travailler ensemble, de coworking. Dans la réalité, ce qui appelle au nouveau paradigme qui intègre cette notion de « co » travail ne peut être fécond dans un système qui demeure pyramidal et hiérarchique à outrance. C’est comme vouloir mettre du vin nouveau dans de vieilles outres. Cela ne fonctionne pas, les outres éclatent.
Les prémices du nouveau
La prise de conscience des risques psychosociaux, dont le burnout est un des éléments, montre bien que le vieux système est en crise. On essaye d’éteindre les incendies, limiter les dégâts, on essaye de faire croire que l’entreprise gère cette question en mettant par exemple en place la QVT (Qualité de Vie au Travail) mais la théorie peine à passer dans la réalité concrète du quotidien. On essaye d’offrir aux salariés du mieux être au travail, un « happiness officer » par exemple. Mais cela demeure une vitrine, une belle façade ou un beau vernis qui veut montrer qu’on avance et qu’on change. Cela part d’un bon sentiment et parfois d’une réelle volonté de changement. Cependant, c’est comme repeindre les murs d’une maison dont les fondations s’écroulent. C’est tout l’ensemble de l’édifice qui a besoin d’être repris et revisité totalement. Et peu d’entreprises osent prendre ce chemin.
1. Une révolution à opérer
Sortir du système pyramidal et hiérarchique
Pour la réussite d’une entreprise qui veut manager autrement, c’est une refonte à tous les niveaux qui doit se faire. Passer d’une structure souvent très pyramidale à une structure co-responsable où chacun prend sa part de responsabilité.
Changer n’est jamais simple. Cela demande de déstructurer l’existant, déconstruire, passer par une phase où l’on n’est plus dans l’ancien et pas encore dans le nouveau. Une transition à vivre et traverser pour aboutir à un nouveau paradigme pour l’entreprise.
Il est nécessaire d’examiner le regard que chacun pose sur chacune des autres personnes exerçant une fonction dans l’entreprise.
Le lien entre la fonction et le pouvoir exercé, la façon d’exercer ce pouvoir, autant de points à explorer pour poser un diagnostic de la façon que chacun(e) a de voir les fonctions dans l’entreprise et les pouvoirs liés aux fonctions.
Dans une entreprise classique, bâtie sur une vision hiérarchique et pyramidale, des jeux de pouvoir et des positions spécifiques vont se mettre automatiquement en place dans la gestion des relations entre les salariés, managers et direction de l’entreprise.
Quelles images avons-nous des N-1 ?
Si nous pensons : Ils ont besoin que je leur dise tout ce qu’ils doivent faire, ils ne sont pas autonomes sans moi. S’ils pouvaient être autonomes, il n’y aurait plus besoin de responsables, donc il n’y aurait plus besoin de moi.
Penser de cette façon c’est demeurer dans l’ancien paradigme, de l’entreprise du 19ème siècle. Il n’est pas simple de sortir d’un fonctionnement qui dure depuis longtemps puisqu’il se fonde sur des principes bien plus anciens. Cela pourrait être développé dans un article spécifique.
Quelles images avons-nous des N+1, N+2… ?
N’y a-t-il pas souvent encore une attente d’une protection paternaliste ? D’une sécurité attendue du côté de ceux qui nous emploient ?
Travailler dans le nouveau paradigme, qui émerge doucement, impliquant un management bienveillant, un travail collaboratif avec la mise en avant des compétences de chacun(e) au service du bien commun, de l’entreprise et plus largement de la société, cela demande une véritable révolution et des changements profonds.
Trois clés pour amorcer l’entrée dans un management bienveillant
Première clé : décision du dirigeant de changer de paradigme
Il ne s’agit pas, comme déjà évoqué, que de simples aménagements. Cela demande une restructuration complète de la façon de fonctionner.
Cela demande en priorité la volonté réelle du dirigeant de changer totalement la façon de travailler au sein de son entreprise.
Il en est la clé de voute et si le dirigeant ne le souhaite pas, même si quelques managers modifient leur façon de travailler, il n’est pas possible de mettre en place de façon pérenne un nouveau management. En effet, ce nouveau paradigme ne peut pas fonctionner dans une entreprise trop hiérarchisée et trop pyramidale. La structure hiérarchique et pyramidale suppose de fait une notion d’obéissance au niveau supérieur, cela entraîne une attitude passive et presque une sorte de soumission à ce qui vient d’en haut. On a beau essayé de dire ou prôner l’inverse, c’est inconsciemment ancré par la structure elle-même qui est basée sur la structure familiale et patriarcale. C’est donc au dirigeant de donner l’exemple, d’insuffler une nouvelle façon de faire. Ce sont d’ailleurs les entreprises bâties sur des personnalités ouvertes qui incitent à la collaboration qui perdurent et fleurissent dans le temps. En France, la dynamique managériale de Boiron en est un exemple.
Au-delà de la volonté du dirigeant de changer de paradigme, il est nécessaire d’impliquer tout le monde sans exception, ce sont les deux autres clés :
associer et former tous ses collaborateurs et managers (deuxième clé)
Les managers sont comme les courroies de distribution, les liens entre la direction et le terrain. Ils ont un place essentiel pour permettre ce renouveau. Néanmoins, nous voyons aujourd’hui le malaise croissant de ces managers épuisés, coincés entre la direction et leurs équipes devant tenir des positions et consignes contradictoires. Cela est dû justement à ce système qui ne fonctionne plus et qu’il est urgent de transformer. Le nouveau paradigme permet de retrouver une cohérence et du souffle pour tout le monde.
Cela ne se fera pas sans difficultés. Les habitudes sont dures à changer. Et même si nous sommes convaincus des bienfaits du changement de paradigme. Il est angoissant de rentrer dans un nouveau paradigme que nous n’avons jamais mis en œuvre. De plus, il est important d’en expliquer les raisons et les buts. Personne na été habitué à fonctionner dans ce nouveau paradigme et cela demande un apprentissage.
associer et former tous les employés (troisième clé)
Ce qui a été dit ci-dessus pour les managers est tout autant vrai pour l’ensemble des employés. Peut-être s’ajoute-t-il une habitude plus grande de recevoir des ordres par sa position dans l’entreprise et il sera encore plus essentiel de mettre en acte une démarche participative et responsable de tous pour qu’elle s’ancre dans le long terme et soit perçue comme une volonté réelle du dirigeant et des managers.
Quel est l’intérêt de ce nouveau paradigme d’un travail collaboratif ?
De quoi parle-t-on sous ce vocable de travail participatif et management bienveillant. Ce nouveau paradigme est centré sur l’humain, respectueux de ses besoins, de ses compétences, de sa créativité. Cela semble joli sur le papier et peut-être même idéaliste ! Examinons cela de plus prêt.
De nombreuses initiatives germent pour mettre en avant un partage plus équitable et une volonté de mettre en commun les savoirs, les compétences : le coworking, les fablabs, les ateliers partagés en sont des exemples. Les incubateurs de startup s’inspirent de cet élan. Il s’agit de partager ses savoirs, ses compétences et de ne plus voir l’autre comme un concurrent mais comme un partenaire. Notre culture est peu encline au travail de façon collaborative alors qu’elle est plus développée dans le système anglo-saxon et notamment aux Etats Unis où dès l’école primaire les élèves sont amenés à construire en groupe les savoirs et fonctionnent dans une dynamique de groupe. Comme je le développe dans mon livre sur la créativité, la différence culturelle s’origine en particulier dans l’imprégnation pour nous français dans la culture latine catholique, avec la structure hiérarchique de l’Eglise impliquant l’obéissance. Ce qui est différent des Etats Unis par exemple, basée sur la culture protestante qui est communautaire, moins hiérarchisée et plus égalitaire.
Petite parenthèse ce nouveau paradigme existe depuis longtemps et nous pouvons retrouver dans l’histoire des initiatives de ce genre (ex : les compagnons du devoir) mais l’industrialisation a fait perdre au monde certains éléments que nous commençons à remettre en valeur.
En mettant le travail collaboratif à l’œuvre à tous les niveaux de l’entreprise, cela favorise la créativité et l’innovation. Cela suppose de partager ses idées sans craindre qu’elles soient récupérées par quelqu’un d’autre. Et donc d’accepter d’être au service du groupe et non uniquement de sa carrière. Plus les idées sont partagées, plus elles ont de chances de produire l’émergence d’idées nouvelles et de booster l’innovation. Nous sommes humains et nous partageons nos idées quand nous sommes en confiance, que nous savons que nous ne serons pas jugés pour ce que nous allons exprimer. Or les nombreux niveaux de la pyramide hiérarchique favorise la suspicion, la méfiance. De plus, ce système ne propose pas généralement à tous les employés d’être créatifs, réservant cela aux managers, voire à un groupe spécifique qui peut être déconnecté de la réalité de l’entreprise.
La créativité est grandement libérée quand tous les maillons de l’entreprise sont conviés à participer. Mais attention, cela ne se décrète pas, cela s’apprend. Nous ne pouvons pas demander à des employés d’être soudainement créatifs alors que l’on a jamais demandé leur avis dans le passé.
Pour accéder à ce nouveau paradigme, il est nécessaire notamment de suivre les trois clés.
Mais comment former au travail collaboratif ?
Il est nécessaire de remplacer la structure hiérarchique et pyramidale par un structure plus légère avec deux à trois niveaux et d’insuffler un management bienveillant.
Qu’est-ce qu’un management bienveillant ?
Le management bienveillant est centré sur l’humain, il vise l’épanouissement de tout travailleur en favorisant de nouveaux rapports dans le monde du travail. Il est clair que peu de monde est passionné par son travail. Une étude faite par l’institut gallup a révélé que seulement 9 % seulement des personnes en France sont passionnés par leur travail. Nous faisons partie des pays les plus mal notés à ce sujet. Ce pourcentage faible montre que le potentiel humain est mal utilisé. Pour rendre les personnes plus passionnées de leur travail, il est nécessaire qu’elles puissent investir ce lieu de vie pleinement, qu’elles sentent qu’elles ont une « utilité », qu’elles apportent une plus-value à l’entreprise, qu’elles sont co-responsables de son développement.
Pour cela, des conditions à appliquer à tous les employés sont nécessaires. En voici quelques unes :
– les rendre proactifs en leur permettant d’être réellement acteurs de leur travail
– permettre une circulation des informations plus directes
– partager les décisions, les difficultés, les réussites, les solutions, les idées
– travailler à une communication vraie entre tous les maillons de l’entreprise
– définir des valeurs communes et une ligne claire partagée par tous …
En amont, d’autres conditions préalables sont indispensables comme :
former à l’écoute, apprendre à exprimer et gérer ses émotions, ses besoins pour favoriser une cohésion du groupe entreprise et surtout diminuer les conflits stériles, les incompréhensions, le chacun pour soi…
Vous me direz que c’est bien utopique. Oui, il n’y aura jamais ni d’entreprise idéale, ni d’individus idéaux !!! Mais nous pouvons apprendre à fluidifier les relations interpersonnelles afin que les conflits ne pourrissent plus la vie des entreprises et freinent même leur propre croissance.
Il est futile de croire que l’humain n’a pas à être pris en compte pour faire fonctionner une entreprise. Bien au contraire, plus les salariés d’une entreprise auront exploré leur façon d’être en relation avec les autres, plus ils auront saisi ce qui compte pour eux, leurs valeurs, ce qu’ils veulent apporter par leur travail, et plus ils seront motivés et engagés dans leur travail en étant des piliers de celle-ci.
Résumons cette partie :
– Pour entrer dans ce nouveau paradigme en entreprise en intégrant le management bienveillant et la créativité, il est nécessaire d’impliquer tous les acteurs de l’entreprise et en premier ses dirigeants.
– La transition vers ce nouveau paradigme n’est pas un petit changement, il faut désapprendre pour apprendre dans un nouveau mode de fonctionnement.
– La structure hiérarchique et pyramidale doit être abandonnée au profit d’une structure plus légère avec deux ou trois niveaux.
– C’est tout un travail de formation et de refonte commune qui est à envisager, impliquant un travail sur soi.
Je développe quelques éléments succincts dans les deux parties suivantes :
2. Accepter de travailler sur soi pour de meilleures relations avec les autres
C’est en travaillant sur soi que l’on se connaît mieux et qu’on prend conscience de sa vision du monde. En saisissant que sa vision du monde est une parmi beaucoup d’autres, on apprend à s’adapter aux visions des autres et à accepter ces visions du monde différentes de la nôtre.
Par un travail sur ses émotions, son ressenti, ses besoins, ses traumatismes, son histoire, son filtre, on aboutit à la découverte de sa vision du monde qui influence son rapport aux autres. Le travail sur les points de vue ouvre, par exemple, sa vision du monde à plus large. Le travail sur soi développe l’intelligence émotionnelle, à savoir exprimer le négatif, y compris sa colère et son agressivité dans une dimension positive, ce que nous nommons l’assertivité.
Cela ne nous choque généralement pas de nous former à de nouvelles technologies pour les utiliser dans son travail mais dès qu’il s’agit de faire un travail sur soi, beaucoup de personnes pensent que c’est sans rapport avec le travail, sans utilité ou utopique.
L’erreur est là !
Certes, ce travail ne peut pas se faire sans l’assentiment de chacun(e). On ne peut forcer quelqu’un à se remettre en question, à prendre du recul. Néanmoins, quand nous prenons le temps de faire découvrir l’intérêt de ce travail par des exercices concrets, cela éveille le désir réel de chacun(e) de s’améliorer et s’épanouir en vivant des rapports plus sereins avec les autres. Tout le monde veut s’améliorer, c’est dans nos gênes de chercher à évoluer et nous dépasser quand nous trouvons ce qui nous motive.
Attention, vivre des rapports sereins, ne signifie aucunement que les désaccords n’existent plus. Ce seront plus des confrontations, qui seront vécus, que des conflits.
La différence est énorme entre conflit et confrontation :
– le conflit renferme chacun(e) sur soi dans sa position et coupe la relation avec l’autre. Le conflit peut mener au rejet complet de l’autre, au refus de côtoyer la personne…
– la confrontation (étymologiquement front contre front) est tout autre chose. C’est l’écho des confrontations animales : les mâles qui combattent front contre front pour savoir qui sera le plus fort et qui va conquérir la femelle. Le plus faible se soumet au plus fort qui l’année suivante sera peut-être le vainqueur. Les animaux ne se tuent pas et se respectent après de tels combats. Le lien n’est pas coupé. Au niveau humain, nous pourrions dire que la confrontation permet de poser ses désaccords, reconnaître ce sur quoi nous ne sommes pas d’accords et trouver des concessions pour bâtir un gagnant/gagnant. S’il y a un perdant la situation posera problème à un moment ou un autre. Il y a des solutions à chercher ensemble dans la divergence et la complémentarité des points de vue. Cela demande de dépasser la volonté d’être au centre, de savoir s’appuyer sur les forces des autres, reconnaître ses faiblesses. Nous peinons à nous confronter car nous restons souvent cachés derrière des masques.
Les masques
Les masques sont monnaie courante dans le monde de l’entreprise et nous payons cher de rester caché derrière. Cela freine et fausse les enjeux et le développement de l’entreprise. Il est nécessaire d’apprendre à faire tomber les masques. Et ce n’est possible que si tout le monde joue le jeu, sinon nous demeurons dans les nœuds de la manipulation. Certaines approches dans le développement personnel peuvent favoriser insidieusement le renforcement de ses masques et il est important de faire attention comment nous formons nos salariés au travail sur soi. Certaines approches vont renforcer la manipulation et pervertir les rapports humains. Vous pouvez mesurer la complexité de ce qui est en jeu. Cet article ne fait qu’ébaucher des pistes en prenant quelques éléments d’exemple.
Nous pourrions, de ce fait, se dire que le challenge est trop colossal et donc impossible à relever. Je n’ai jamais dit que ce serait facile. Mais nous n’avons rien sans rien.
Insuffler ce travail entraîne la mise en place de nouveaux rapports avec les autres au sein de l’entreprise.
Evidemment, ce travail demande à être expliqué pour ne pas être pris pour de la manipulation managériale. Il est nécessaire de poser carte sur table pour que chacun(e) saisisse l’enjeu de ce travail. S’il est vécu comme une contrainte, sur la défensive, il n’aura aucun intérêt. Cela renforce ce qui a été dit précédemment. Car dans une entreprise hiérarchique pyramidale où les salariés se sentent sous la coupe de leurs supérieurs, tout travail de ce type sera pris comme une intrusion, une volonté de modeler les salariés à un modèle imposé. Cela suppose pour le dirigeant de libérer la parole dans son entreprise, de prendre le risque de laisser se développer des idées divergentes, d’avoir une ouverture d’esprit. Ces idées divergentes apportées par des employés libres de parole et d’action nourriront des possibilités nouvelles et l’innovation.
Cela suppose de ne pas se contenter d’un travail superficiel mais d’aller vers des rapports nouveaux entre tous les acteurs de l’entreprise y compris les actionnaires.
Ce travail ne peut pas être fait une fois pour toutes, c’est une démarche de fond sur le moyen et long terme qui a besoin de se réajuster constamment. Cela demande une souplesse et flexibilité encore peu habituelle dans le monde de l’entreprise.
3. Bâtir sa légende de vie
Je voudrais développer un point essentiel qui est souvent délaissé à cause de la course au temps et des « date line » imposées. Pour ne pas rester le nez dans le guidon, à gérer uniquement les urgences, il est nécessaire de définir ses valeurs, ses priorités (les tâches du cadre II de Stephen Covey), s’organiser en utilisant des outils de planification qui prennent en compte tout ce qui fait notre vie. Il s’agit d’intégrer des buts, le long terme, apprendre à prendre du recul et se donner du temps pour observer, relire, se former…
C’est apprendre à déléguer, à faire confiance, à travailler ensemble. Pour cela, l’apprentissage des outils de la créativité offre des perspectives innovantes.
Il ne s’agit pas en effet dans le travail de faire pour faire. Sinon, nous nous transformons en machines sans cervelles qui exécutent des tâches sans savoir dans quel but nous agissons. C’est évident mais regardez et reconnaissez que nous perdons souvent de vue le but pour lequel nous travaillons. Et quand nous perdons le sens de ce que nous faisons dans le travail, la fatigue, l’épuisement et le burnout risquent de pointer leur nez.
Il est donc nécessaire de prendre le taureau par les cornes et de ne pas se laisser dévorer par le temps. Il est vital de le gérer avec des outils concrets pour ne pas se laisser déborder. Mais il est également nécessaire de fonder son travail sur des valeurs, des buts qui nous tiennent à cœur. La motivation est un enjeu essentiel pour tenir dans le temps dans son travail. Et celle-ci ne peut se maintenir en action sans l’alimenter. La motivation s’appuie sur ce qui fait sens pour nous, notre légende de vie. Cela peut sembler un bien grand mot mais nous avons tous des compétences particulières et singulières, des talents qui sont viscéralement ancrés en nous, tous sans exception. Même les personnes qui se disent « passionnés par rien » possèdent en eux une sorte de boussole qui indique la direction, le sens de ce qu’ils veulent faire dans leur vie. Evidemment, chacun(e) a sa légende propre qui n’est pas celle du voisin. C’est cette boussole interne qui est à découvrir. Le monde a besoin de la spécificité de chacun. Il ne s’agit plus de penser concurrence mais plutôt complémentarité. Et c’est ce qui est merveilleux. La diversité est ce qui permet l’émergence d’idées nouvelles. Et dans un monde qui tend à la standardisation tout autant qu’à l’individualisme, il est nécessaire de faire des ponts entre la spécificité de chacun(e) et notre interdépendance qui est une richesse et non un frein à notre développement. Il est bon de permettre à la fois à tout un chacun de développer son propre potentiel tout en le mettant au service des autres. Car seul nous sommes vite limités. C’est la fameuse loi que le tout est plus grand que la somme des parties.
C’est un magnifique enjeu qui est proposé aux entreprises et à la société ! Dans un monde où la technologie va prendre de plus en plus de place, il est essentiel que l’homme ne reste pas sur le banc de touche et évolue pour se construire dans une approche éthique et collaborative.
Alors, oui je suis de ceux qui croient qu’il est possible de développer un management bienveillant, respectueux de chacun(e) et permettant le développement et l’épanouissement de l’entreprise. Ce n’est pas une utopie mais un travail ardu et possible.
En ferez-vous parti ?
Qu’êtes-vous prêt à mettre en place dès maintenant là où vous travaillez?