Première lettre
Même si dans les lettres Rilke s’adresse et répond aux questions d’un jeune poète. Nous pouvons en retirer de nombreux enseignements. Cette première lettre aborde la question des œuvres d’art, en particulier la vie permanente dans le temps d’une œuvre d’art comparée à la nôtre qui passe. Mais explorons ce qui nous touche tous. Il répond à ce jeune poète qui cherche des conseils et des réponses à l’extérieur de lui-même. Rilke l’amène à se tourner vers l’intérieur :
Puisque vous m’avez autorisé à vous donner quelque conseil, je vous prierai de cesser tout cela. Votre regard est tourné vers l’extérieur, et c’est d’abord cela que vous ne devriez désormais plus faire. Personne ne peut vous conseiller ni vous aider, personne. Il n’existe qu’un seul moyen: plongez en vous-même, recherchez …
lettre du 17 février 1903 RM Rilke
Il l’invite à se poser des questions. Ces questions visent à explorer ce qui est essentiel pour soi, ce qui est vital. En effet, un des chemins pour trouver notre chemin est de chercher les réponses qui sont en nous. Les autres peuvent également être un miroir pour nous aider à refléter ce qui émane de nous. Néanmoins, regarder en soi en s’interrogeant: est-ce essentiel pour moi? Est-ce une nécessité? Puis-je faire autrement?
Il ouvre tout un champ que tout chacun peut explorer avec créativité, sa vie et en particulier son enfance.
Pour celui qui crée, il n’y a pas, en effet, de pauvreté ni de lieu indigent, indifférent. Et quand bien même vous seriez dans une prison dont les murs ne laisseraient rien percevoir à vos sens des bruits du monde, n’auriez-vous pas alors toujours à votre disposition votre enfance, sa richesse royale et précieuse, ce trésor des souvenirs?
lettre du 17 février 1903 RM Rilke
Il développe tout ce qui peut être dévoilé et relève que ce regard intérieur apportera des fruits peu importe l’issue et les réponses aux questions que nous nous posons…
Il termine sur un conseil qui vient conforter le premier. Il propose d’obéir à sa propre évolution en écoutant ce qui est en soi et en lâchant les conseils extérieurs.
Ce que dit Rilke est très juste. Il rejette les conseils extérieurs qui ici dans la quête du jeune poète -qui est de savoir s’il est fait pour être poète-n’apporteront que discorde, conflit, doute. Dans d’autres contextes, nous pouvons nuancer ces propos. L’apport extérieur peut être utile sous certaines conditions :
Les conseils en tant que tels sont a priori à proscrire car ils sont généralement des projections de nous-même sur l’autre. Par contre si le domaine nous est connu, nous pouvons apporter des informations qui donnent à la personne des éléments pour élaborer sa propre réponse. Nous pouvons si nous connaissons suffisamment la personne lui renvoyer ce que nous percevons d’elle qui serait en adéquation ou non avec le domaine en question. Par exemple, une personne très tournées vers les autres et qui s’interroge sur son orientation dans le champ du social, nous pouvons lui renvoyer en miroir des situations où elle mettait en action ces compétences de savoir-être. Nous sommes souvent aveugles sur ce qui est souvent évident pour les personnes qui nous connaissent…
Et vous, comment êtes-vous touché par cette lettre? Si vous en étiez le destinataire, qu’en retiendriez-vous?