Nous avons pu voir dans les articles précédents combien la qualité de vie et conditions de travail doit être mise au cœur de l’entreprise. Vouloir mettre en place une Qualité de Vie au Travail dans son entreprise demande un investissement, des moyens.
Nous avons relevé les différents axes qui devaient être passés au crible de la QVCT, que ce soit les valeurs, les enjeux et la finalité de l’entreprise; que ce soit l’organisation structurelle, managériale; que ce soit les modes de communication et de relations.
Pour réaliser pleinement ce challenge, des moyens doivent être investis dans trois champs : des moyens financiers, des moyens en temps et des moyens humains.
Des moyens financiers :
Repenser autrement l’entreprise demande d’investir en priorité dans la formation de ses équipes à travailler autrement. C’est un investissement dans le sens que cela va engendrer des bénéfices in fine pour l’entreprise qui retrouvera une dynamique saine et permettra de faire des profits en éliminant des pertes dues à une mauvaise organisation, à des relations dégradées,…
Cet investissement est faible compte tenu des bénéfices à long terme. Si nous faisons une comparaison, cet investissement serait l’équivalent d’un « check-up » qui fait l’analyse de tous les problèmes de santé, plus la remise en forme et la prévention pour éviter que d’autres maladies surgissent. La QVCT englobe à la fois la réparation et la prévention.
Des moyens en temps :
C’est un point qui est le plus difficile à concéder pour les entreprises. Nous sommes dans un monde qui coure après le temps et accepter de prendre du temps pour en gagner n’est pas chose aisée.
Mais il est impossible de faire du bon travail sans prendre le temps de poser le diagnostic de l’entreprise, sans prendre le temps d’écouter les avis de tous, sans prendre le temps de former à une nouvelle façon de fonctionner, car cela ne se décrète pas. Changer ses habitudes sans prendre le temps d’expliquer, de rassurer les inquiétudes, sans peser les freins qui s’y opposent, sans accompagner les personnes est un leurre et mène tout droit dans le mur.
C’est aussi d’inscrire des temps d’échange, de concertation entre les équipes qui feront gagner énormément de temps ensuite dans la gestion courante. Certaines entreprises ont par exemple banalisées une demi-journée qui inclue de la concertation, du brainstorming et des travaux de groupe autour de commissions thématiques. Il ressort des solutions et des idées nouvelles pour améliorer le fonctionnement et la gestion de l’entreprise comme de sa communication. Il s’agit de sortir de sa zone de confort. C’est le défi lancé à toute entreprise qui veut rester ancrée dans la réalité et dans l’économie.
Supprimer les évaluations individuelles pour les remplacer par du collectif est une solution payante comme l’a valorisé Laurence Vanhée, fondatrice des happiness officer.
Des moyens humains :
Ils sont liés pour une part aux moyens en temps comme par exemple donner aux équipes le temps de se concerter, d’élaborer à l’image de l’exemple donné ci-dessus.
Mais c’est aussi libérer certaines personnes d’autres tâches ou de les alléger pour que ces personnes se consacrent au suivi de la mise en place des moyens pour la bonne qualité de vie de l’entreprise. Il n’y a pas de secret. Si la QVCT n’est pas une priorité pour l’entreprise, qu’elle ne s’attende pas à des miracles.
Si les priorités ne sont posées au bon endroit, les résultats ne seront pas possibles. Et la priorité des priorités, c’est la Qualité de Vie au Travail. car c’est d’elle que dépend toute la vitalité et la croissance de l’entreprise. Toute qualité de vie au travail dégradée par une mauvaise gestion, une organisation hasardeuse, des relations défectueuses, un management inhumain entraînera de facto des pertes pour l’entreprise, de l’absentéisme à des pertes au niveau des bénéfices en passant par un turnover important. La stabilité d’une entreprise est un réel travail. Ce travail peut être soutenu par l’investissement de la QVCT. Nous le savons tous qu’il faut peu de choses pour mettre à mal une entreprise sans qu’il y est de surcroît des questions liées à l’économie globale. Or, nous sommes dans un contexte où l’économie est fragilisée pour un temps long et qu’elle est en pleine mutation compte tenu des enjeux globaux qui sont vitaux pour la planète. C’est une raison supplémentaire pour assurer la pérennité de son entreprise en la fondant sur des bases solides.
Choisir la QVCT comme un atout et un allié, c’est faire le pari du présent et de l’avenir de son entreprise.
La QVCT est le plus souvent associée à la qualité de la communication et des relations car c’est la partie visible de l’iceberg. Cependant, cette partie visible n’est féconde que si et seulement si les autres axes développés dans les articles précédents sont mis en œuvre. En effet, la communication et les relations sont le reflet de comment l’entreprise est structurée, de comment elle met en œuvre ses valeurs, de comment elle s’organise. C’est également dépendant des moyens que nous verrons dans un article ultérieur.
La plupart du temps, la qualité de vie au travail est réduite au champ de la communication et des relations. C’est comme marcher sur la tête et vouloir commencer par la fin. Certes, cela peut faciliter, améliorer un peu le système mais laisser de côté les autres champs préfigure la fragilité et les gains éphémères de cette démarche.
Donc oui, la QVCT va améliorer la communication et les relations, mais elle doit être coordonnée à une réelle volonté de changer structurellement dans sa façon de fonctionner, de manager, de s’organiser…
La communication et les relations doivent s’appuyer sur des bases neuves, saines et solides pour être vecteurs de qualité de vie au travail.
De fait, si les relations dans l’entreprise sont marqués par une hiérarchisation tranchée, les relations sont entachées de jeux de pouvoir qui vont fausser la bonne marche de l’entreprise. Nous sommes tellement habitués à ce système qu’il es difficile, voire impensable pour beaucoup de faire autrement. Si les fondations sont mauvaises et malsaines, le reste de la construction ne peut être que fragile !
Seule la sortie de la concurrence et des jeux de pouvoir pour fonder les relations sur une saine collaboration et coopération peut permettre de nouvelles façons de construire une entreprise dynamique et performante. Si chacun se méfie de son voisin et ne travaille que pour son objectif de carrière, les autres sont forcément des freins et non des alliés. Il n’y a pas mieux pour ralentir l’essor de l’entreprise, même si l’on a longtemps cru que la mise en concurrence au sein de l’entreprise lui était bénéfique. Pour une part peut-être, mais avec beaucoup de dégâts collatéraux qui retombent in fine sur l’entreprise.
C’est la façon de travailler, de collaborer ensemble qui doit être au cœur. Une vision en « co » : en co-construction, en co-opération, en co-llaboration qui est à mettre en action.
C’est donc une révolution au niveau managériale qui est à réaliser. Les managers ne doivent plus être des personnes coincées entre les employés et le patron, ne plus être de simples donneurs d’ordre. C’est une responsabilité partagée qui est à mettre en place. Et des récompenses tout autant partagées.
Cela suppose de prendre l’humain beaucoup plus en considération,de mettre en valeur le travail accompli, de savoir remercier et valoriser les réussites de tout un chacun. Au lieu d’être dans le « on peut toujours mieux faire », être dans le « c’est super ce que tu as fait; merci pour ton implication; bravo pour avoir réussi à trouver une solution;… » Avoir de la sollicitude pour ceux qui font vivre l’entreprise est vital ! L’homme n’est pas une machine, ni une simple force de travail dont on reconnaît le travail uniquement par le salaire. Bien plus que le salaire, chacun attend une reconnaissance, quelque chose qui donne de la valeur au travail effectué.
Tout cela pour pointer le fait central qu’il s’agit de remettre des valeurs humaines fortes au centre de l’entreprise. Chaque individu qui arrive le matin au travail n’est pas un terreau vierge qui met sa vie au placard pendant le temps de travail. Prendre en considération ce qui se joue dans sa vie personnelle, ne serait ce que par l’intérêt de savoir comment il va est essentiel. C’est du bon sens, me direz-vous. Mais concrètement, quelle place donnons-nous à l’écoute de l’autre au sein du travail. Il ne s’agit évidemment pas de devenir le café du commerce du coin !
L’entreprise est un système où chaque rouage a son importance et utilité. Valoriser l’utilité de chacun de ses rouages est un gage de réussite pour l’ensemble.
Si chacun est valorisé, il sera en capacité de donner le meilleur de lui-même pour faire vivre le tout, l’entreprise qui sans tous ses rouages est une coquille vide.
Evidemment, cela n’empêche pas de travailler à de meilleures relations humaines. Tout rassemblement de personnes autour d’un même lieu et projet suppose la gestion des individualités et personnalités qui ont à cohabiter ensemble. Mais si les bases que nous avons posé sont saines, il sera plus facile de déminer les autres conflits qui peuvent surgir entre des acteurs de l’entreprise. Si les bases sont malsaines, les conflits seront larvés par d’autres composantes professionnelles comme les jeux de pouvoir et de concurrence.
Ainsi, si les bases sont bien posées, il est alors possible de travailler à une meilleure communication et de meilleures relations en s’appuyant sur la communication non violente, en intégrant l’émotionnel dans le monde du travail, mais également l’assertivité, la capacité à poser de saines limites,…
Il est certes complexe de gérer un groupe d’humains car de nombreux enjeux sont présents dans ce contexte. C’est une raison supplémentaire pour se donner les meilleures conditions en posant des bases saines. Les confrontations sont inévitables. Une entreprise qui se targuerait d’aucune difficulté en interne serait une entreprise mensongère. Si aucune difficulté ne surgit, c’est que celles-ci sont étouffées, niées et c’est encore plus dangereux car le feu couve et l’implosion n’en sera que plus importante.
N’ayons pas peur des désaccords et confrontations qui peuvent être source de maturation et d’évolution de l’entreprise mais crevons l’aspect des conflits qui paralysent le bon fonctionnement et la vie de l’entreprise.
C’est là de nouveau que l’entreprise doit accepter d’être aidée, accompagnée avec un regard extérieur pour assainir et faire grandir l’entreprise qui comme un humain passe par des crises au cours de son existence.
Nous avons pu saisir dans les autres articles la place centrale que doit occuper la qualité de vie au travail. Si l’entreprise met en périphérie la QVCT, elle peut être sûre d’aller au devant de difficultés récurrentes et pérennes.
Il est donc vital que la QVCT agisse dans le maillage organisationnel. L’organisation reflète la réalité et la vitalité de l’entreprise. Le mode d’organisation permet de vérifier si l’entreprise est en phase avec ses valeurs, sa finalité. L’organisation est aussi le vecteur de la manière de communiquer et d’être en relation et c’est aussi celle qui permet de rendre possible les moyens à mettre en œuvre pour une vie saine de l’entreprise. Nous verrons ces deux points dans deux autres articles.
Parler de maillage pour l’organisation vise à appuyer le fait que tout est imbriqué, lié et que chaque élément a son importance et se doit d’être pris en compte. En effet, tout élément qui dysfonctionne dans un système entraîne des répercussions sur l’ensemble du système.
1. Parler d’organisation, c’est parler de structure, de hiérarchie :
J’ai déjà un peu évoqué ce point dans l’article « la QVCT s’enracine sur les valeurs de l’entreprise ». La plupart de nos entreprises sont encore dépendantes et accrochées à une structure hiérarchique pyramidale qui déresponsabilise, démotive et ralentit la croissance même de l’entreprise. Certes, il n’est pas aisé de changer de modèle et tous les acteurs concernés freinent ce changement, y compris celles et ceux qui en subissent le plus les conséquences. La force des habitudes fait que nous préférons garder un système que nous savons usés mais que nous connaissons, c’est rassurant à court terme mais cela impose l’immobilisme à long terme !!
Il est essentiel de réduire le nombre de niveaux hiérarchiques d’une part pour faciliter les échanges de données et solutions, pour rendre plus autonome chaque poste de travail, garant d’une meilleure souplesse et résolution des problèmes. D’autre part, diminuer le nombre de niveaux hiérarchiques rend plus responsable tout un chacun et augmente la motivation intrinsèque et la collaboration par son travail à la réussite de l’entreprise à laquelle on appartient. C’est intégrer la confiance couplée à la responsabilisation.
2. Parler d’organisation, c’est parler de management, de responsabilité :
Le premier point entraîne de facto un changement de management à visée plus collaborative, plus bienveillante. C’est entrer de plein pied dans du gagnant-gagnant. Evidemment, ce changement ne se décrète pas, il doit être préparé, accompagné à tous les niveaux de la structure. Sortir de rapports de hiérarchie et donc de pouvoirs demande à établir une confiance renouvelée, bâtie sur la compréhension que chacune et chacun a sa place, ses compétences à partager. Il s’agit de sortir de la concurrence et de la jalousie pour entrer dans la collaboration, la coopération et l’entraide. C’est saisir qu’on est ensemble dans le même bateau et qu’un mousse est tout autant utile que le capitaine. Sans mousse, les ordres du capitaine seraient vains. De même, si le capitaine ne sait pas écouter les messages des mousses qui sont là où le capitaine n’est pas, le bateau peut courir de graves dangers. Même si la comparaison vaut ce qu’elle vaut, elle vise à ramener du bon sens dans la gouvernance du bateau entreprise. La confiance mutuelle est gage de qualité et un atout de solidité de l’entreprise. Pour ne citer qu’un simple exemple, dans une usine qui fabrique du matériel de bricolage, le vol de matériel a considérablement diminué quand celle-ci est passé du contrôle des employés à la permission donné aux employés de prendre ce qu’ils avaient besoin pour eux personnellement. Des employés écoutés, motivés, participants à la collaboration et au bon fonctionnement de l’entreprise font de cette dernière une entreprise saine avec une bonne qualité de vie au travail.
3. Parler d’organisation, c’est parler de conditions de travail :
Les deux points précédents vont passer de la théorie à la pratique en se concrétisant dans le large champ des conditions de travail. Cela rejoint la question des moyens que l’entreprise met en oeuvre pour une meilleure qualité de vie au travail. Nous le développerons plus largement dans un autre article.
Les conditions matérielles de travail reflètent la façon dont le dirigeant considère ses employés. D’ailleurs, le C a été rajouté à ce qui se nommait avant QVT. Cela montre l’importance des conditions de travail. Cela va de la question de l’ergonomie, de l’adaptation des postes de travail à la fois pour faciliter et rendre efficace le travail mais aussi l’adaptation à la personne spécifique qui peut avoir des besoins particuliers pour être dans de bonnes conditions physiques et psychiques de travail. L’environnement de travail est plus important que nous l’estimons. Et c’est en concertation avec les usagers que les meilleures solutions peuvent être trouvées et souvent sans forcément grand frais. Le gain est bien au-delà des coûts d’aménagement. Mais comme toujours, les mentalités poussent à penser que c’est secondaire et n’a pas de rapport avec les objectifs de rentabilité. Ce qui est une grossière erreur. Tout ce qui participe de près ou de loin à la démotivation, au désengagement des salariés ralentit la croissance de l’entreprise, joue sur l’absentéisme…
La gestion du temps est un sujet central. Nous avons perdu pour la plupart le bon sens de remettre au lendemain ce qui ne peut être fait le jour même, la surcharge de travail crée du stress qui engendre moins d’efficacité, moins de performance et plus de temps pour faire encore plus… Cercle vicieux du hamster dans sa roue, qui plus il court, plus la roue tourne vite jusqu’à atteindre le burnout !! La juste mesure est à retrouver, nous ne sommes pas des ordinateurs, même si eux aussi finissent par chauffer et fatiguer d’une certaine façon ! Nous ne sommes pas des machines et notre corps, ainsi que notre psychisme ont besoin de repos pour se reconstituer. L’équilibre entre le temps de travail et de repos a disjoncté !! La période de confinement et celle du déconfinement n’a pas fait que mettre un peu plus en exergue le problème de sommeil. Le sommeil est une phase essentielle pour se reconstituer et manquer de sommeil, c’est courir tout droit vers un épuisement professionnel.
Attention, chacun n’a pas les mêmes besoins. Il nous faut sortir de l’idée qu’une nuit de sommeil parfaite correspond à 8 heures de sommeil consécutifs. Le fait de se réveiller est bien plus fréquent qu’on ne le dit et la quantité de sommeil ne doit pas non plus se condenser uniquement la nuit. Des phases de repos en journée sont essentielles. Nous savons grâce aux neurosciences que nous ne pouvons pas demeurer concentré plus de vingt minutes environ. La méthode pomodoro visant à se concentrer sur un sujet pendant vingt minutes suivi de cinq minutes de pause est un bon exemple d’une autre façon de faire. La sieste, si mal vu, est un bon moyen de se régénérer en journée pour une meilleure efficacité qu’un long temps de latence après le repas durant la phase de digestion !
Être rentable, efficace ne signifie pas, travailler sans pause, avec des horaires extensibles à souhait. Les jeunes générations ont d’ailleurs le désir de sortir des horaires classiques de bureau pour appréhender des horaires plus décalées et plus souples. Le télétravail peut être un avantage dans ce domaine. Mais il a aussi son revers de médaille avec l’impression de devoir être disponible à tout moment. Cela implique aussi la difficulté de gérer en télétravail les deux sphères sur le même lieu et temps. cela es d’autant plus vrai pour les femmes qui ont fait le plus de frais de surcharge durant la période récente de confinement.
Tout cela montre la nécessité de cadrer le temps de travail, de gérer ensemble de nouvelles façons de travailler tout à la fois pour être efficace et bien dans son corps et dans sa tête.
Ce n’est pas sur le coin d’une table entre deux portes que peuvent se décider tous ces changements. La prise en compte de la qualité de Vie au travail demande un investissement réel et une prise à bras le corps des enjeux d’une entreprise saine et vivable.
Recherches utilisées pour trouver cet article:https://cgformationcoaching com/la-qvt-doit-agir-dans-le-maillage-organisationnelle/
Les financeurs veulent que l’argent investi dans les
formations, les accompagnements et coachings ait un bénéfice immédiat et rapide
pour l’entreprise ou la structure.
C’est tout à fait normal et logique. Il n’y a rien de choquant en cela. Or, investir dans la QVCT, c’est investir dans l’humain. Cela pose question car il est plus difficile de peser les bénéfices récoltés quand l’investissement porte sur l’humain. Travailler les savoir-être, les soft skills, même si cela est à la mode, laisse beaucoup de personnes perplexes, compte tenu de la difficulté à mesurer l’efficacité de telles investissements.
Et pourtant, c’est peut-être le levier le plus prometteur de
croissance, s’il est bien traité et accompagné. Il est vrai que sous le vocable
de QVT, nous pouvons y mettre tellement de choses que le tout et le n’importe
quoi peut s’y infiltrer.
Il est donc nécessaire de définir en premier lieu
clairement les objectifs visés dans la mise en place d’actions pour l’amélioration
de la qualité de vie au travail.
Cela signifie savoir ce qui peut être amélioré et connaître
les leviers humainsqui vont engendrer des bénéfices réels dans le
rendement de l’entreprise. Certains leviers humains, comme nous le verrons,
permettent d’agir sur le fonctionnement de l’entreprise et d’améliorer de façon
non négligeable la performance de celle-ci.
Avant cela, relevons trois biais qui faussent la
perception et réduit l’intérêt d’investir dans l’humain :
Le premier biais est de penser que c’est à chaque personne
de travailler sur soi et prendre soin de soi, si elle le désire. Cela induit
que ce n’est pas le rôle de l’entreprise d’aller sur ce champ-là et que ce
serait donner, en plus, l’impression d’être sous le joug d’une vision
paternaliste envers ses employés.
Le deuxième est de croire qu’il est trop complexe d’agir
dans ce domaine, que ce sont aux employés de se plier aux fonctionnements de
l’entreprise. De ce fait, les efforts sont alors investis pour formater les
employés à l’entreprise. Ce choix de vouloir formater les humains à la
philosophie de l’entreprise, les faire entrer dans un moule et que rien ne
dépasse de ce beau cadre donné en vitrine à l’extérieur est inopérant et
ne résiste pas longtemps à la réalité du terrain. C’est un leurre tentant dans
lequel beaucoup d’énergies sont dépensées pour un résultat très médiocre.
Le troisième est de se centrer sur les savoirs et
savoir-faire qui sont des domaines plus facilement maîtrisables de fait.
Cependant, « Travailler » sur le facteur humain
est peut-être même la composante la plus propice à faire la différence entre
deux entreprises concurrentes. Les savoirs et savoir-faire sont partagées par
tous. Il est plus facile de faire monter en compétences dans ces champs-là, car
ils sont clairs et circonscrits. Il s’agit d’apprendre une nouvelle technique,
savoir utiliser tel matériel, tel logiciel, etc… Et dans cette configuration,
la mise en place d’une formation est suffisante pour maîtriser ce nouvel outil
et nous pouvons mesurer rapidement l’efficacité de la formation.
« Travailler » sur l’humain est, en effet, plus
complexe mais il rapporte davantage ; si nous osons investir dans ce champ
ouvert et prometteur.
Il est nécessaire de dépasser ces trois biais pour pouvoir
accéder à une certitude fondamentale qui est de croire aux potentiels
inexplorés et inexploités des ressources humaines.
Toute entreprise, structure est constituée d’humains. Ces
derniers constituent une ressource indéniable pour l’entreprise ou la
structure.
Comme nous venons de le voir, la méfiance vis-à-vis de la
complexité humaine entraîne une gestion faussée en voulant formater les humains
à la philosophie de l’entreprise. Arrêtons de vouloir adapter l’humain au
travail, adoptons l’attitude inverse, bien plus créatrice et féconde.
L’humain est porteur de beaucoup plus de potentialités que
nous voulons souvent lui en attribuer. L’application de nouvelles formes de
management comme le management bienveillant, le management collaboratif,
le management horizontal rendent les entreprises plus solides, plus
performantes, plus résistantes aux difficultés. De nombreuses études montrent
l’impact sur le rendement des entreprises qui misent sur l’humain. Pour ceux et
celles qui veulent creuser cet aspect, je renvoie à l’enquête de Paul R.Ray et
Sherry Ruth Anderson dans l’émergence des Créatifs Culturels, au docteur
Philippe Rodet et Yves Desjacques dans le management bienveillant, au
philosophe Abdennour Bidar dans les Tisserands ou bien encore Jacques Lecomte
dans les entreprises humanistes pour n’en citer que quelques-uns.
Sortons de la théorie et venons-en à la pratique en donnant
quelques exemples avant de structurer les objectifs à viser et les leviers
humains bénéfiques à la bonne marche de l’entreprise.
Mettre en place un accompagnement à la Qualité de Vie et Conditions de Travail, c’est permettre à tout humain exerçant dans sa structure d’être bien dans sa peau. Et quand une personne est bien dans sa peau, dans ses baskets, elle n’en sera que plus créative, productive, engagée et collaborative dans l’exercice de son travail !
Une personne bien sa peau au travail ne va pas
freiner la bonne marche de son entreprise par un absentéisme
important, par une démotivation, par une tendance à créer des conflits
pour se venger de son mauvais traitement. Qui plus est, elle va apporter une
meilleure contribution et s’engager beaucoup plus dans la réussite
de l’entreprise. Cela peut sembler logique. Mais se sentir bien au travail ne
se décrète pas, des conditions sont nécessaires pour favoriser cette perception
et cela implique un travail constant car il ne faut pas grand-chose pour détériorer
une ambiance de travail ou détruire la confiance qu’il a fallu du temps à
construire. Nous savons tous combien la réussite d’une négociation commerciale,
le travail d’équipe, la collaboration fluide tiennent à un savant mélange et en
particulier à la qualité de la communication, de la reconnaissance et de
l’empathie entre les personnes en jeu.
Prenons un exemple précis. Nous sommes tous témoins de la « fragilité »
et « sensibilité » de certains services d’accueil. Par son rôle, c’est
un lieu privilégié de connexion entre la structure et le monde extérieur. Il
est une vitrine de la structure. Les services publics sont un bon exemple de
cette carence dans le prendre soin des personnes qui doivent jouer le rôle
d’intermédiaire, de tampon et qui se retrouvent souvent à jouer le rôle de
fusible entre le public et la structure institutionnelle qu’elles représentent.
Si nous élargissons notre propos, chaque poste, chaque fonction, chaque rôle
porte son lot de tensions, de difficultés. Les prendre en compte et les
réduire va entraîner un bénéfice réel et pérenne sur la qualité de production
mais aussi sur la santé de chacune et chacun. Ces difficultés propres peuvent
être réduites de façon directe en améliorant l’organisation, la collaboration,
la coordination et la communication. C’est un premier axe possible
d’intervention. Un autre axe plus
transversal aidera également à alléger les difficultés propres à chaque
fonction. Cet axe vise à améliorer le relationnel souvent défectueux,
car laissé en friche, qui concerne les perceptions de non-reconnaissance, de
manque de soutien qui affectent grandement les capacités réels de travail,
fragilisent les personnes et ouvrent la porte à une détérioration progressive
et assurée de la qualité de vie au travail.
Vous allez me dire qu’« être bien dans sa peau »,
c’est bien gentil tout cela, une entreprise ce n’est pas le monde des
bisounours ; une entreprise et même une structure publique doit être
rentable. C’est tout à fait juste mais
la rentabilité sera de fait très défectueuse et fragilisée si les personnes qui
doivent y contribuer ne sont pas bien dans leur tête, dans leur corps… Alors
concrètement ?
Le but est de faciliter et participer à la bonne santé et
au bien-être des personnes qui travaillent dans l’entreprise ou structure.
J’emploie volontairement le terme de but et non d’objectif car cela va dépendre
aussi de l’investissement de chacune et chacun dans ce processus. (voir explication ci-dessous)
Un but : cela ne dépend pas que de
nous, ce n’est pas totalement sous notre contrôle. Par exemple : avoir une
augmentation de salaire est un but car ce n’est pas entièrement sous votre
contrôle, l’accord de votre supérieur et la validation par l’entreprise est
nécessaire.
Un
objectif :
c’est quelque chose qui est totalement sous notre contrôle, qui est mesurable,
quantifiable, réaliste, réalisable et circonscrit dans le temps, si nous
parlons des objectifs SMART. Par exemple : pour reprendre l’exemple au
niveau du but, je prends rendez-vous avec mon chef pour lui demander une
augmentation d’ici la semaine prochaine.
Pour se diriger vers ce but, des objectifs précis peuvent
être posés. Ces objectifs seront des leviers qui favoriseront un meilleur
rendement de l’entreprise ou la structure.
Comme nous sommes dans le champ des savoir-être, nous
touchons à des notions qui fonctionnent en système, qui sont liées les unes aux
autres, s’interpénètrent et s’influencent mutuellement. De ce fait, les
objectifs que nous allons aborder se recoupent et fonctionnent ensemble. C’est
juste pour la clarté du propos qu’il est judicieux de détailler ces objectifs.
Voici quelques-uns des objectifs et les leviers
associés :
Nous pouvons mettre un certain nombre d’objectifs sous le
vocable « prendre soin de soi, de sa santé ». Nous pouvons
nous appuyer ici sur la pyramide des besoins de Maslow avec ces différents
étages.
Dans les besoins physiologiques, prenons l’exemple du besoin
de repos pour se régénérer. La surcharge de travail, le stress
excessif vient entamer ce repos nécessaire. L’absence de repos entraîne des
erreurs dans l’exécution des tâches, augmente le risque d’accidents du travail,
la chute des capacités intellectuelles. Mais comme nous sommes dans un système,
nous pouvons nous dire que la surcharge de travail qui entame le repos est due
entre autres choses à une difficulté à poser des limites. Nous sommes
alors dans un besoin psychologique non respecté. Ne pas poser de limites, être
corvéable à merci est préjudiciable et pour la personne et pour l’entreprise à
long terme car la personne finit par craquer et devient inapte à travailler. Le
manqued’assertivité est dommageable pour le salarié comme pour
son entreprise. La vue à court terme est un des facteurs aggravants qui abîme
la santé des individus. Il est du devoir de l’entreprise de protéger ses
salariés contre ce risque. Se mettre en surcharge de travail de façon exagérée
est révélateur chez la personne de sa déconnexion d’avec son corps, qui
signale, en temps normal, les limites à ne pas franchir. La reconnexion au
corps est un chantier à part entière pour la santé et la qualité de vie au
travail. Nous voyons bien à quel point
tout est lié et comment le cercle vicieux peut vite s’installer et entamer non
seulement la santé de l’individu et avoir des répercussions sur
l’entreprise par des erreurs, des accidents, une démotivation, un
absentéisme… Dans les besoins psychologiques, les perceptions
d’insuffisances ou de manques dans les champs de la reconnaissance,
de la sécurité ou/et de l’appartenance engendrent des
« fragilités » qui vont se répercuter directement dans le champ
professionnel par des problèmes de communication qui peuvent se
cristalliser dans des conflits larvés, par une démotivation et désaffection
du travail, voire un absentéisme abondant. Cela marque un dysfonctionnement
qui demande à être réglé et suppose la réintroduction d’une confiance et
le respect des besoins humains déficitaires. Nous sommes évidemment dans
les champs concernant le relationnel et la communication.
Nous pourrions aborder également tout ce qui renvoie à l’organisation
qui est souvent trop chronophage et mal articulé car trop enfermé dans des
process qui par leur rigidité manquent d’humanité. Trop de hiérarchisation
déresponsabilise et supprime l’envie de collaborer à la vie de l’ensemble. Plus
de communication et de coordination dans une dynamique participative permet de
remettre en jeu la motivation de contribuer au but de son entreprise. Ce serait
à développer, je renvoie aux autres articles sur les outils et solutions.
Notons en conclusion que c’est évidemment engageant car cela
suppose une plus grande transparence et honnêteté dans la gestion humaine de
l’entreprise ou de la structure. Faire de la qualité de vie au travail efficace
présuppose l’assise sur des valeurs humaines fortes et respectées. C’est donc
exigeant mais c’est le prix de la réussite assurée in fine.
Tout groupe humain, comme c’est le cas d’une entreprise, est
un système. Agir pour améliorer un des éléments du système va modifier et
améliorer, de fait, l’ensemble du système.
C’est être dans du
« gagnant-gagnant », ce qui présuppose un engagement de part et d’autre
pour avancer ensemble pour le bien de chacune et chacun, ainsi que de
l’ensemble qu’est l’entreprise ou la structure.