Le terme d’imagination fait référence à notre capacité à mettre sous forme d’images, d’idées, des choses qui, soit n’existent pas encore, soit d’associer des concepts, des idées ou des images, qui sont au départ indépendants les uns des autres mais qui, associés permettent de modéliser quelque chose de nouveau. L’imagination est un matériau utile et même primordial à la créativité. Mais à la différence de celle-ci, elle peut rester lettre morte et ne pas aboutir à une production qui est l’élément essentiel de ce qui définit la créativité. Gianni Rodari qui a écrit la grammaire de l’imagination dit :
« l’imagination est un instrument dont l’esprit ne peut jamais se passer. Elle sert pour jouer, pour travailler, pour vivre ».
L’imaginaire comporte la possibilité de rester enfermé dans l’irréel, dans le spéculatif. Il ne se confronte pas alors, dans ce cas, au réel et à la matière. C’est la grande différence avec la créativité qui elle vient se heurter à un moment donné de son processus à la matière. C’est d’ailleurs un moment difficile dans le processus créatif. Beaucoup de projets créatifs avortent à cette étape ne réussissant pas à s’adapter aux contraintes matérielles. Tandis que l’imaginaire peut lui continuer à exister sans passer par une réalisation concrète.
Néanmoins, l’imaginaire est primordial pour la créativité. Grâce à sa liberté d’inventivité, l’imaginaire permet de créer de nombreux liens, émettre une multitude d’hypothèses, associer de nombreuses idées sans risque. Cela offre un espace créatif essentiel pour la créativité avant que cette dernière fasse un tri de ce qui est potentiellement réalisable dans le concret. Dans la phase de recherche, l’imagination repousse les limites du possible et offre une souplesse d’esprit qui permet d’aboutir à des solutions créatives qui ne seraient pas possibles autrement.
Utiliser l’imaginaire demande à accepter d’explorer l’impossible, l’inconnu. Sans cela, aucune innovation, aucune créativité possible. Cela suppose d’accepter de perdre ses repères habituels, de remettre en question tout ce que l’on sait. Les révolutions scientifiques n’auraient pas pu être possibles sans l’imagination de ces hommes et femmes qui ont dû abandonné ce qu’ils pensaient savoir pour ouvrir des portes qui étaient fermées dans le paradigme de leur époque. Dans la créativité, on parle de la tolérance à l’ambiguïté comme un des traits favorisant celle-ci. Par exemple la découverte de la structure de l’ADN n’a été possible que parce Crick et Watson reprirent l’hypothèse de la double hélice qui avait été abandonné par un autre chercheur Linus Pauling car comportant trop d’ambiguïté. C’est parce qu’ils ont accepté de ne pas rester coincé dans les contradictions et en utilisant leur imagination que la découverte de la structure de l’ADN a abouti.
Notons par ailleurs que l’imagination est un support qui permet de mettre en forme des concepts inconnus. En s’appuyant sur des images ou des objets existants et en les transposant à un problème qu’on ne savait pas représenter, jaillit des solutions créatives. Voici quelques exemples :
– C’est en s’appuyant sur l’image du serpent se mordant la queue que Kekulé à découvert la structure moléculaire en anneau du benzène.
– C’est en se basant sur le fonctionnement d’une horloge que Johannes Kepler a saisi le mouvement des corps célestes.
– C’est en faisant une analogie avec l’oreille humaine que Alexander Graham Bell conçoit le téléphone.
– C’est en utilisant de nombreuses métaphores que Charles Darwin élabore sa théorie de l’évolution.
Nous pourrions continuer à développer tellement l’imagination est vecteur de créativité. Sans son imagination Einstein et sa femme n’auraient pas découvert ce qui germait dans la tête de nombreux chercheurs de son époque, qui n’ont peut-être pas trouvé ce qu’ils ont trouvé parce qu’ils n’osaient utiliser suffisamment leur imaginaire.
Notons enfin que la pensée divergente si essentielle à la créativité ne serait pas possible sans une dose d’imagination.